2023 07 le Tourduf de Castagnole vu par Sylvaine
- Michel Entat

- 31 août 2023
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 oct. 2023
Un Tourduf humide… et tonique !
Pour sa première participation au Tourduf (Tour du Finistère a la voile), du 24 au 29 juillet, de Roscoff à Port la Forêt, Castagnole a rencontré des conditions plutôt toniques. Pluie, vent, brume, … rien n’a manqué pour un cocktail d’été plutôt frais, bien frappé et typiquement Breton ! La compétence, la progression, l’entente et la bonne humeur ont gagné, et c’est l’essentiel. J’ai surtout la sensation que ce n’est que partie remise…
Dès la première étape (Roscoff/ L’Aber Wrac’h), on rentre dans le vif du sujet. Il fait vraiment frais, et une grande partie de l’étape se fait au près avec une mer formée. On prend ses marques, et les options se dessinent. Je suis heureuse de croiser le sillage de Let’s Go, l’ancien bateau de Jean Luc Van den Heede, avec lequel il a été 2eme dans le Boc Challenge en 1986, refait à neuf, à bord duquel j’étais pour l’escorter dans le chenal des Sables d’Olonne lors de son arrivée du premier Vendée Globe en 1990, et navigué en école de croisière dans les années 1990. J’ai l’impression de saluer un vieux copain.
Le premier repas des équipages se passe dans une ambiance joyeuse… en veste de quart et sous la pluie, dehors, en plein vent. Le Tourduf 2023 imprime sa marque
L’Aber Wrac’h /Camaret : sous le soleil exactement
La deuxième étape (L’Aber Wrac’h / Camaret) se passe au portant, sous spi, et , fait exceptionnel, au soleil ! Je ne suis pas du tout objective en disant que c’est la seule étape où on aura eu des conditions favorables, mais voir le phare de Kermorvan, se dessiner au loin, et passer le Conquet et Saint Mathieu sous spi et dans un grand soleil m’émeut bien plus que je ne voudrais le dire. On échange bottes et ciré contre t shirt et chaussures de pont, et Olivier, notre numéro un, arbore comme couvre-chef un foulard noué comme un Frère de la Côte qui lui sied à ravit J’avoue que doubler la pointe du Toulinguet sous spi nous fait à tous du bien. Et merci à la Station SNSM de l’Aber Wrac’h d’avoir accompagné et salué les concurrents sur la ligne de départ !
La 3eme étape (Camaret/ Douarnenez) commence à faire parler la poudre dans les options tactiques. Serrer les Tas de Pois ou ne pas serrer, telle est la question… Mais quel bonheur de voir de (pas trop !) près ces beaux cailloux, avec l’ancien canot SNSM de Portsall qui suit la course et avec qui nous accompagne sur un long bord de descente vers Douarnenez. . Les options et les stratégies se dessinent, l’équipage commence à s’affûter, et à manœuvrer de manière de plus en plus coordonnée.
Douarnenez le soir, reste fidèle à sa réputation. On sait recevoir et faire la fête chez les Penn Sardin ! Un groupe Finistérien, Tamm Tan (morceau de feu en français) lance un chant de marin « John Kanak , que les marins de la Belle Poule m’avait appris, je saute sur mes pieds, entraine l’équipage de Castagnole… qui entraine la salle. Et voila 400 concurrents qui dansent le rock et partent en piste et fest noz vers 23h dans le gymnase de Douarn, avant que le chanteur nous rappelle en rigolant qu’on a une étape de nuit le lendemain soir., et eux de la route à faire.
Un triangle sous la douche en baie de Douarnenez
Le lendemain, le triangle olympique et l’étape de nuit Douarnenez /Port la Forêt ne nous fait aucun cadeau. On manœuvre et on enchaîne les empannages sous spi avec du vent frais et de la pluie qui nous cingle le visage. Il fait froid. Mon bonnet ressemble à une serpillière en deux minutes. Je terminerai la manche, comme tous les concurrents, trempée. On pourrait tous nous suspendre sur une corde à linge. Les cirés qui fument dans le carré sans pouvoir sécher. Les sanitaires de Douarnenez ne valent pas mieux et se transforment vite en buanderie envahie de buée. Tous les concurrents tentent de lancer une lessive pour avoir au moins une couche sèche pour l’étape de nuit.
7h plus tard on enquille l'étape de nuit Douarnenez / Port la Forêt avec un passage du Raz de Sein vers 4h LT, une forte houle, très peu de vent , sans avoir eu la possibilité de sécher ses vêtements, et en dormant tout habillé, cire et harnais capelés, bottes aux pieds et de quart toutes les 2h pendant 2h, dans une bannette cercueil mal ventilée parce que vu la météo...tout était fermé.
Dès le départ, c’est rude.
La visi est réduite à 100m au crépuscule en baie de Douarnenez, pendant environ 1h. On voit les concurrents à l'AIS, au dernier moment en visuel. Ils passent devant ou derrière ou bord à bord, silhouette imprécise et floue tout de suite diluée, mais risque d'abordage bien réel. Je devais, comme on dit , " veiller au grain", tenter d'estimer cap et distance, avec le risque de les voir surgir de la brume au dernier moment. Avec la corne de brume en main et mission de souffler dedans au cas où, et des options bien tranchées qui se dessinent. Certains rasent la cote, espèrent trouver des contre courants, d’autres taillent au large vers le Cap de la Chèvre, pour passer le Raz de Sein sur un seul bord et embouquer dans la foulée la baie d’Audierne. La mer irrégulière, la brume, le vent, les courants changeants rebattent les cartes en permanence. Xavier, notre super Second et navigateur, a fort à faire et consulte sans cesse la tablette pour affiner les options de navigation.
Je marine dans des vêtements trempés d’eau de mer et de sueur, j’ai tour à tour trop chaud ou je gèle, bref je morfle Comme 420 concurrents. .Je serre les dents en sentant la fatigue, l'humidité gagner chaque muscle, tendon ou nerf à chaque manœuvre, à chaque crispation due au roulis de chaque creux de la baie d’Audierne. En voulant gueuler ma fatigue au phare la Vieille, à celui d'Eckmühl, aux feux des autres concurrents, qui fouillaient ma rétine quand je tentais de comprendre leur route (collision ?) dans la pluie et la nuit noire et poisseuse du Raz de Sein. Chaque manœuvre, trempés, frigorifiés , et harnachés par la ligne de vie (et heureusement !) est une véritable épreuve.
On en est tous au même point, Camille et Axelle descendent courageusement faire chauffer une soupe vers 4H du matin LT, et je ravale un début de mal de mer pour me forcer à boire chaud et grignoter quelque chose, je sais que c’est la seule façon d’étaler. La nuit est rude, et je commence à maudire cette foutue houle d’une baie d’Audierne que je trouve interminable, avec un spi qui tient mal sans vent et dégoulinant de pluie qui bat, bat, et qu’il faut sans cesse régler.
J’ai froid comme jamais en mer.
Pour tenir, je pensais à mon équipage du Conquet, aux anciens des Doris qui affrontaient ça en beaucoup plus froid, humide, 18 h à 20 h par jour et nuit, des semaines durant, sur les bancs de Terre Neuve, sans avoir une douche chaude et une marina ultra confortable quelques heures après à disposition. De l’enfer… au paradis
Non sans mal, je secoue mes muscles endoloris, ma léthargie franchement nauséeuse vers 6h du matin LT en lisant le début d'épuisement et le froid, la fatigue, la lassitude dans le regard de mes coéquipiers. Une clarté laiteuse, grise, froide, succède à la nuit et nous sommes tous épuisés. Je réussis non sans mal à descendre faire chauffer du café et du thé en passant du quatre quart et du pain d’épices. Me chauffer les mains à la flamme du réchaud me fait du bien.
La houle se calme enfin, on sort de la baie d’Audierne, quelques dauphins nous saluent. On commence à deviner les Glénan très bas sur l’horizon vers l’Est et un peu au Sud. Le soleil, moment divin, commence à réchauffer nos muscles abrutis de fatigue et de froid. Nous revenons au monde et à nous même en buvant chaud, en mangeant, et en sentant sur le visage un début de chaleur et la fin de cette nuit trop poisseuse et trop longue. Quand le paradis tutoie l’enfer…Seuls les marins comprendront cette sensation unique, due à la fatigue, au froid, à l'aube qui arrive...
Nous terminons sous spi, au soleil, à nouveau aguerris. La fatigue se lit sur notre visage et dans nos tenues de mer totalement hétéroclites, mais nous sommes heureux. Seul Michel , notre Capitaine, réussit à rester select (il l’est toujours), en dépit – ou grâce- à un fabuleux coupe-vent jaune canari dont la doublure s’épluche avec constance dans le vent…
La terre tangue, et la douche brulante dans les sanitaires ultra confortables de Port la Foret termine de diluer la fatigue de la nuit précédente. La dernière manche le lendemain revient aux conditions de base, et un énorme grain glacial nous accueille sur le denier bord, quand nous passons la ligne. Mais les manœuvres s’enchainent avec beaucoup plus de rapidité, de fluidité. Nous étions presque prêts pour une 6eme étape, et c’est sous un grands soleil, sous spi, et un vent idéal que nus convoyons Castagnole à Sarzeau, son port d’attache
Etant la régionale de l’étape (je vis au Conquet depuis 3 ans) j’avais besoin de me remettre à niveau en manœuvres rapides, je n’ai pas été déçue… Ça a été un grand, un immense plaisir pour moi, de refaire (35 ans après l’avoir fait avec les Glénans !) le fameux « Tourduf », qui offre autant de conditions variées, de paysages époustouflants, que d’options stratégiques, avec un bateau affûté, pointu, assez physique, et un Capitaine et un équipage, je tiens à le souligner, au top. Bienveillant, drôle… et ultra compétent.
Pour ma part, je me souviendrai longtemps et avec bonheur de l’exigence, de la classe en toute circonstances, et de de l’humour à froid parfaitement décapant de Michel, notre Capitaine et skipper, de la gentillesse, compétence et disponibilité de Xavier, notre Second, de la souplesse, la gnacque, et des couvre chefs d’Olivier, notre valeureux Number One, de la drôlerie et des réflexions à l’emporte-pièce de Camille : je garde en réserve pour les soirs de cafard hivernal le fabuleux surnom de «Jardiland «, qu’elle avait donné un matin à un bateau à couple, parce que le skipper lavait, après chaque passage de chaque équipier concurrent (devant le mât), le pont de son bateau à grande eau en mobilisant ses troupes avec force balais de pont et gueulantes. Et que serait Castagnole sans le fabuleux sourire d’Axelle, au piano, qui m’a souvent, sans qu’elle le sache, donné courage et envie de m’accrocher ?
Je suis fière de l'avoir fait parce que ça fait 35 ans que je n'avais pas fait quelque chose d’ aussi intense , sur une durée aussi longue en mer. Que j'y suis toujours, et que je compte bien y revenir, si Castagnole est d’accord.
Merci à Castagnole, à son Capitaine Michel, et à Xavier, Olivier, Axelle, et Camille.
Kenavo !
Sylvaine Luckx.

Légende : L’auteur en version humide, mais heureuse, pendant le triangle olympique en baie de Douarnenez (Photo : Xavier Deschamps).
L’équipage de Castagnole pour le Tourduf 2023 :
Michel Entat, skipper
Xavier Deschamps, second et navigateur.
Olivier Galliache, numéro 1.
Axelle Buchwalter, piano.
Camille Vinot:
Sylvaine Luckx;
Photo 1 :L’équipage de Castagnole à l’arrivée finale à Sarzeau. (crédit : le fils d’Axelle)

Photo 2 Repas des équipage a l’Aber Wrac’h, ambiance humide.

Photo 3 : sous spi l’arrivée à Camaret (crédit photo : Le Télégramme / Tourduf).

Photo 4 : Des conditions difficiles pour le triangle olympique en baie de Douarnenez (crédit photo : Le Télégramme / Tourduf).

Phot 5 : Une étape de nuit qui accuse la fatigue (Photo : S. Luckx).

Photo 6 : une arrivée tous sourires à Port la Forêt (je ne sais plus qui a fait la photo, si c’est Olivier ou toi…)

Photo 7 : le parcours de Castagnole d’après l’AIS (crédit : Patrick).




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